L'histoire du site remonte à 1910, avec la fabrication de machines agricoles. Les premiers appareils lave-linge y sont construits en 1958, puis Philips prend possession des lieux et développe l'usine. Quand Whirlpool rachète les activités électroménagères de son concurrent en 1990, le groupe poursuit l'agrandissement de l'usine, et lui confie en plus la fabrication des sèche-linge. Plus de 1000 salariés passent alors quotidiennement les portiques du site, qui fait même venir au début des années 2000 son sous-traitant et fabricant de plastique Prima France. Les premières mauvaises nouvelles arrivent en 2002, quand Whirlpool commence à évoquer la réorganisation de sa production européenne.
Pour contrer le sort et éviter l'abandon, Raphaël Delrue, alors directeur de l'usine, finit par persuader le siège d'investir 20 millions d'euros (une somme qui s'est progressivement portée à 35 millions) pour moderniser le site: réduction de la surface, robotisation... Le tout contre des réorganisations d'horaires et plusieurs plans de départ massifs qui ont progressivement amené l'usine à son effectif actuel de 290 personnes. Et les résultats sont bientôt visibles. Obtention du label «Origine France», lancement des premiers produits de classe A: les «Whirlpool» amiénois pansent alors les plaies et veulent imaginer leur usine se développer à nouveau.
Mais les espoirs sont de courte durée. Whirlpool rachète en 2014 la marque italienne Indesit, et se retrouve avec une myriade d'usines en Europe, quand la tendance est au regroupement des lignes de production, et aux économies d'échelle. En mars 2015, le PDG du groupe mondial, l'Américain Jeff Fettig tente pourtant de rassurer en déclarant dans les colonnes du Figaro qu'«Amiens a toujours été une usine importante pour la France et l'Europe». Un participe passé opportun: peu à peu, le choix de déplacer la production en Pologne prend de l'ampleur, en particulier vers le site de Lodz au centre du pays. Le site picard, malgré sa modernité, accuse des coûts de production supérieurs de 7,5% à ceux des implantations polonaises. L'incertitude remonte et en janvier 2017, le nouveau directeur, le Portugais Carlos Ramos confirme la décision d'arrêter la production de sèche-linge dans son usine d'Amiens au 1er juin 2018, dans le cadre d'une restructuration de ses activités européennes.
Cherchant un repreneur, Whirlpool déclare faire «tout son possible» pour trouver de nouvelles activités génératrices d'emplois, et promet qu'aucune suppression de poste n'aura lieu en 2017. Les salariés, dépités, commencent à se faire entendre en février, en manifestant devant la mairie d'Amiens. Bernard Cazeneuve s'empare brièvement du dossier, puis le militant François Ruffin le présente à Emmanuel Macron, le 6 avril dernier (dans l'Émission politique sur France2), ce dernier promettant de venir pendant la campagne. Rejoint sur place par Marine Le Pen aujourd'hui 26 avril, les deux candidats ont chacun essayé de montrer qu'ils réservent un avenir paisible à cette usine au passé tumultueux