Témoignage poignant de Jean-Louis dont les deux Grands -Pères , habitants de Saint-Martin ont participé à la Grande Guerre ...

En préambule , je salue la mémoire de Jean -Louis qui nous a quitté le 11 novembre 2014,  cousin qui savait si bien nous faire rire avec un humour parfois caustique mais extraordinaire professeur d'histoire puis principal de collège respecté qui avait compris combien il était important de témoigner et de transmettre ...Ses fils    poursuivent  les mêmes objectifs et je les remercie de faire don au profit de tous de leur histoire familiale ...

Voici donc une une chronique écrite par Jean -Louis Thomas  dans le journal de sa commune à l 'occasion des commémorations du 11 novembre 2008.

<<Hommage aux poilus de 14-18

Le dernier Poilu s'est éteint le 12 mars 2008. Pour la première fois , la cérémonie du 11 novembre se déroulera en l 'absence de tout combattant de cette période tragique .En hommage à cette génération disparue , nous évoquerons ici deux destins à la fois semblables et différents ...

Notre premier soldat a 27 ans lorsqu'il est mobilisé le 4 août 1914.Ce petit exploitant agricole est un pacifiste , ce qui est surprenant dans un contexte d'excitation guerrière partagée par tous les belligérants .Il a été bouleversé par la mort de Jaurès le 31 juillet 1914 , assassiné pour avoir défendu l 'idée même de paix .Il laisse au foyer une femme et ses deux enfants . Son régiment est envoyé au-devant de l 'ennemi qui a pénétré en Belgique alors que l'Etat - major pensait qu'il arriverait par l'Est(L 'Alsace et une partie de la Lorraine appartiennent à l 'Allemagne ).Vers le 15 août , il est au sud de Charleroi , quatre jours plus tard , dès le premier contact avec l'adversaire , c'est le début de l'enfer .Les troupes françaises doivent se replier en organisant des poches de résistance pour retarder l' offensive ennemie .A force de reculer , le régiment se se retrouve à Arcy'-sur-Aube début septembre .Son bataillon a perdu plus de 500 hommes soit 60% de son effectif .De nouvelles recrues viennent le renforcer.Il peut alors s'engager dans la bataille de la Marne , puis dans celle de l'Yser (Nord)où les tranchées se multiplient .En 1915 le , notre poilu est dans le bassin minier du Nord.Des centaines de kilomètres parcourus le plus souvent à pied dans des conditions effroyables.Il devient insensible aux drames qui surviennent , à la mort permanente , aux  cadavres déchiquetés qui jonchent le sol car , écrit-il , "nous étions tous exposés  au même danger".

Le 2 octobre 1915. Il a  beaucoup plu dans la région de Neuville -Saint-Vaast, les poilus progressent lentement dans la boue sous le feu ennemi.Notre soldat, au lieu-dit le Bois de  la folie  s'effondre touché aux deux pieds et au bras par les balles et les éclats d'obus .Il est hospitalisé à 200 kilomètres du front pendant 5 mois puis il bénéficie de deux mois de convalescence .En avril 1916,  il est renvoyé sur les lieux de combat ; il se retrouve sur les plateaux crayeux de l'Aisne (Chemin des Dames ) puis aux environs de Verdun (Les Eparges ). Quand l 'armistice est signé, c'est le soulagement mais pas encore la liberté .Il est démobilisé le 19 mars 1919 .IL regagne alors   son foyer n'épuisé ,désabusé et peu enclin à l'optimisme sur le genre humain .

Notre  second poilu vient d'avoir vingt-six ans lorsqu'il est mobilisé . Ce paisible cultivateur part à la guerre en laissant une femme qui attend son premier enfant pour le mois de décembre .Il pense qu'il sera vite de retour car les journaux et les autorités proclament que nos troupes auront vite fait de refouler l'ennemi héréditaire  et que ce sera la dernière guerre,"la der des der ".Hélas , les premiers contacts démentent  ces fanfaronnades . Notre poilu le comprend et constate l'enlisement du conflit .Un jour , un  déluge  de feu s'abat sur  son régiment .Se replier ne suffit même plus . Chacun fait comme il peut dans une désorganisation totale .Dans la confusion, il se retrouve nez à nez avec un soldat allemand .Une peur contre une autre peur .Une question de survie .Il plonge sa baïonnette dans le torse de cet ennemi qu'il ne hait pas ;un geste qui le hantera longtemps .puis il court se blottir contre le cadavre d'un cheval éventré ; les tirs deviennent plus lointains et sporadiques .Il tente d'évaluer la situation alentour .L 'ennemi est là  , tout près qui ratisse le terrain.Alors , il se redresse , les mains sur la tête , imité pér quelques compagnons d'infortune qui émergent de la fumée comme des fantômes . A  cet instant , il sait qu'il est devenu   un prisonnier de guerre .Il est emmené en Allemagne , à Stendal à l'Ouest de Berlin.Il y travaille dans une ferme pour remplacer les bras de ceux qui , dans l 'autre camp, sont aussi partis à la guerre . Lorsque l'armistice est signé , c'est une poie de courte durée car la libération des prisonniers prendra du temps .C'est au cours de l 'année 1920 qu'il pourra rejoindre sa famille et découvrir son premier enfant , une petite fille de bientôt six ans .

Ces deux destins de Poilus sont semblables à des centaines de milliers d'autres et doivent rester dans notre mémoire collective .Le lecteur me pardonnera une incursion dans l'histoire  personnelle .Les deux Poilus évo

qués ci-dessus étaient mes Grands-Pères .

Jean- Louis Thomas "