En revanche, l'ordinaire dans l'univers politique est déplacé sur beaucoup de plans comme les visiteurs peuvent le constater. Ainsi est-il extrêmement flatteur pour le citoyen d'être l'hôte d'une table ministérielle. Dans un univers feutré vous recevez un accueil digne des plus grands hôtels 5 étoiles ou palaces, les huissiers en habit avec leur longue chaîne dorée vous traitent avec une affabilité respectueuse et la calme certitude de ceux qui savent que les ministres passent mais qu’eux demeurent. On est aux petits soins pour vous, le décor est celui de nos plus beaux hôtels particuliers. Si vous êtes invité à déjeuner, les maîtres d’hôtel s'affairent pour vous offrir un apéritif. Ensuite, on vous annonce que vous passez à table, c'est alors qu’arrive la puissance invitante. Le service est rapide et irréprochable, la chair exquise, les vins prestigieux, le ballet des maîtres d'hôtel impressionnant, ils guettent vos moindres désirs. Le timing est parfait. Le ministre vous semble alors appartenir à une aristocratie républicaine digne des familles royales.
Les invités n'ont jamais ou presque bénéficié d'un tel luxe, y compris à Bercy qui taxe si bien les signes extérieurs de richesse. Même les plus belles tables des PDG du CAC 40 n'arrivent pas à la cheville de ce niveau de faste et de service. Il y a aussi les réceptions à chaque occasion, les buffets pléthoriques que ce soit à l’issue d’une manifestation ou pour des remises de décoration... Il ne s’agit pas de réclamer une ascèse monastique mais des comportements nouveaux dans la sobriété.
Les cabinets au sens large, les assemblées (sauf le CESE) disposent d'un parc de véhicules et de chauffeurs à disposition, sans parler des collectivités locales et du train de vie préfectoral. On peut comprendre alors la révolte des gilets jaunes, contre les élites, qui a commencé par le rejet de la taxe carbone. Qui parmi ceux qui nous dirigent a récemment fait le plein d’essence lui-même ? Qui parmi eux s'intéresse au coût d'un déplacement quel qu'il soit ?
Il est évident que ce décorum au bout d'un certain temps apparaît à ceux qui en bénéficient comme parfaitement normal, ils se déconnectent insensiblement du quotidien des Français. Cette pompe stupéfie aussi le chef d'entreprise "normal". Même si celui-ci fréquente les bons restaurants, il a plutôt l’habitude la plupart du temps de déjeuner avec des plateaux repas, même avec ses clients et il fait lui-même le plein de sa voiture, même si elle celle-ci est à la charge de l’entreprise.
En Allemagne, les élus circulent dans les transports en commun comme d'ailleurs dans presque tous les pays d'Europe, un mode de vie professionnel simple, pas d'huissiers : de simples réceptionnistes vous annoncent au ministre et c'est lui qui vient vous chercher dans une salle d'attente basique.
Au Sénat, en France, on peut se réjouir pour tous ceux qui en bénéficient, que l'on favorise à ce point le pouvoir d'achat de chacun : personne, quelle que soit la fonction exercée, ne gagne moins de 5.000 euros par mois.
Il faudra réduire considérablement le personnel affecté à ce train de vie, partout, aussi difficile que ce soit et l'accepter.
Alors qu'attend-on ? Dans nos entreprises, nous avons des "cost killers" qui débarquent et listent tout ce qui peut être réduit et économisé. Commencer par cette réforme de l'intendance publique serait un excellent signal immédiat, avant ou pendant le débriefing du grand débat.
Une sobriété de bon aloi est indispensable, signe que le pouvoir a compris le message.
Allez ! On commence par Bercy ? Chiche !